« Les premiers jours de mes règles, je dois changer de tampon toutes les heures, alors je préfère ne pas sortir de chez moi. » « La nuit, c’est le carnage sur les draps ! » « Quand une réunion de travail dure trop longtemps, j’ai peur de laisser des traces de sang sur la chaise. » « Les anémies à répétition, la fatigue, la charge mentale des règles qui me pourrissent la vie, je n’en peux plus… »De tels témoignages, les docteures Giulia Gouy et Lucia Rugeri en recueillent depuis mai 2021. À l’hôpital de la Croix-Rousse (Hospices civils de Lyon), la gynécologue et l’hématologue ont ouvert une consultation dédiée aux ménorragies, une première en France. Chaque vendredi, elles reçoivent une dizaine de patientes de tous âges et venant de la France entière. En quelques heures, ces femmes rencontrent les deux médecins, passent plusieurs examens et se voient proposer une prise en charge. Les ménorragies se définissent par des pertes de sang menstruel supérieures à 80 ml par cycle, à objectiver par un interrogatoire (fréquence des changes, présence de caillots…) et le score de Higham (voir encadré). Il faut aussi envisager la fatigue, une anémie et le retentissement sur la vie privée et professionnelle. En février 2021, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a mis à jour ses recommandations(1) pour le diagnostic et la prise en charge des ménorragies. Alors pourquoi une telle consultation ? « Parce qu’il y a un sous-diagnostic flagrant des ménorragies et que les femmes concernées souffrent d’une errance médicale considérable, déclare la docteure Giulia Gouy. S’il y a un tabou des règles, alors les règles hémorragiques, c’est carrément l’omerta ! » Et pourtant, 11 à 13 % des femmes en âge de procréer souffrent de ménorragies, et même un quart des plus de 41 ans(2) ! Giulia Gouy, gynécologue aux Hospices civils de Lyon. ® D.R. Les hormones…
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Pour le CNGOF, il faut s’adapter aux nouvelles générations d’obstétriciens
Tweet« Les gynécologues-obstétriciens ne veulent plus exercer dans des petites villes ou des maternités qui ne réalisent pas suffisamment d’accouchements et, dans le même temps, ils sont en burnout, dès l’internat, dans les établissements de type 3. » C’est ainsi qu’Olivier Morel, responsable de la maternité de Nancy, résume la situation, estimant qu’elle est très proche de celle des anesthésistes, pédiatres et sages-femmes. Le professeur a dirigé la commission en charge du rapport sur la démographie médicale voulu dès 2019 par Israël Nisand, alors président du CNGOF. Ce dernier souhaitait identifier le nombre de postes vacants de gynécologues-obstétriciens. La commission a dressé un tableau plus complet, s’appuyant sur diverses thèses de médecine récentes. Et le rapport de s’intituler « Pérennité des équipes, quel avenir pour la continuité des soins en gynécologie-obstétrique ?» MANQUE DE DONNÉES En augmentation régulière depuis 2012, le nombre de gynécologues-obstétriciens s’établit à 5132 en 2020. Et les projections pour 2030 tablent sur près de 6600 professionnels en activité à cet horizon. « La quantité totale de professionnels n’est pas le sujet », balaye Olivier Morel. En effet, la discipline implique plusieurs spécialisations possibles et des modes d’exercice différents. Le nombre total ne reflète donc pas l’offre de soins disponible.« Étant donné qu’aucune norme ne fixe le nombre d’équivalents temps pleins nécessaires en fonction de l’activité, le nombre de postes vacants publiés n’est pas un indicateur fiable, poursuit-il. De plus, les ARS ne collectent pas les données dont disposent les établissements. Quant à l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, il n’emploie que quatre personnes pour aiguiller la décision. L’Ordre non plus ne dispose pas de chiffres détaillés. Nous manquons donc cruellement de données concernant les modalités et types d’exercice, la participation à la permanence des soins ou l’état démographique des structures. » Le pilotage démographique est donc en réalité inexistant. C’est pourquoi la...



Vers des restrictions de visite pérennes ?
TweetÀ la maternité des Diaconesses, à Paris, la réflexion sur les restrictions de visite est antérieure à la crise du Covid-19. En 2009, à l’occasion de l’épidémie de grippe H1N1, des limitations drastiques sont instaurées. Seules les visites du co-parent sont permises. Par la suite, constatant un meilleur repos mère-enfant, les équipes décident de rouvrir à tous les droits de visite mais de limiter les horaires autorisés. Ils sont fixés entre 16 h et 20 h, pour protéger le temps de la sieste. CALME IMPOSÉ « Le personnel informe aussi les visiteurs qu’ils ne doivent rester que 15 à 20 minutes,explique Laurence Pavie, alors sage-femme coordinatrice. Une femme peut avoir besoin d’allaiter en privé, de changer ses protections et n’a pas besoin de gens qui s’incrustent pour poser des tas de questions. » Avec la crise du Covid, passé le temps des restrictions totales, le service décide de restreindre davantage son ouverture. Depuis septembre 2022, seuls la fratrie et le co-parent sont autorisés. « Nous avons tenté de rouvrir plus largement, mais les débordements ont été trop importants, témoigne Laurence Pavie. Les femmes ne réclament pas tant d’autres visiteurs. Comme elles restent peu en maternité, elles n’ont pas d’urgence à les voir dans l’établissement et peuvent donner rendez-vous lors de leur retour à domicile. Si le co-parent est absent, un autre proche est autorisé à venir. Il nous semble plus simple que le service impose des restrictions, car les femmes ont du mal à dire non et sont prises dans des jeux de loyauté familiale. » Pourtant, lors du premier confinement de mars 2020, les témoignages de femmes perturbées par les restrictions sévères de visite pullulent dans les médias. De leur côté, les professionnelles de terrain constatent un calme bienvenu en suites de couches, propice au repos des mères et des bébés. L’année suivante, trois...


Ménorragies, quoi de neuf ?
Tweet« Suite à la crise des progestatifs et devant le besoin de mieux considérer les alternatives à l’hystérectomie, il était nécessaire de proposer de nouvelles recommandations concernant la prise en charge des ménorragies. » Le professeur Jean-Luc Brun, chirurgien gynécologue au CHU de Bordeaux, a coordonné le texte publié sous l’égide du Collège national des gynécologues-obstétriciens français (CNGOF) en 2022 (1). Il remplace donc les recommandations de 2008 et répond à 37 questions selon la méthodologie Pico-Grade, approche qui évalue et compare pour une population ou un problème donné les interventions et leurs résultats, en attribuant des grades de preuve plus ou moins élevés. CRISE DES PROGESTATIFS ET APPARENTÉS Les spécialistes ont en effet craint une augmentation des hystérectomies de première ou deuxième intention suite aux restrictions de prescriptions ou au retrait de plusieurs traitements progestatifs et apparentés (modulateurs sélectifs des récepteurs à la progestérone), jusqu’alors employés pour traiter les ménorragies associées à un fibrome ou à de l’endométriose. La première « crise » a concerné l’acétate d’ulipristal (Esmya®). Employée comme traitement des fibromes utérins avant chirurgie, la molécule a fini par perdre son autorisation de mise sur le marché (AMM) européen en 2020, en raison de risques hépatotoxiques jugés graves, suite à de premières alertes en 2017. Une étude d’Audrey Chevrot note d’ailleurs que les hystérectomies dans le traitement des fibromes utérins augmentent de 42 000 à 44 000 dès 2018 (2). En 2021, l’Agence française de sécurité du médicament (ANSM) et la Caisse primaire d’assurance maladie confirment un surrisque de méningiome chez les femmes exposées à l’acétate de nomégestrol (Lutényl® et ses génériques) ou à l’acétate de chlormadinone (Lutéran® et ses génériques). Ces macroprogestatifs sont désormais indiqués seulement en dernier recours, pour traiter une endométriose ou des -ménorragies associées à un fibrome en préopératoire et pendant une période courte (3). Leur utilisation implique une surveillance...