Ciblage en ligne non réglementé et invasif, réseaux de conseils et lignes d’assistance parrainés, promotions, cadeaux, formation des professionnels de santé… Tous les moyens semblent bons pour les fabricants de substituts de lait maternel, à en croire une récente enquête menée conjointement par l’Unicef et l’OMS. Il faut dire que l’industrie du lait artificiel pèse près de 50 milliards d’euros chaque année (55 milliards de dollars). Une raison pour ne pas s’embarrasser de règles éthiques, morales ou commerciales ? C’est tout au moins une raison suffisante pour dépenser chaque année entre 3 et 4 milliards d’euros, rien qu’en marketing. « Les messages que les parents et les agents de santé reçoivent sont souvent trompeurs, sans fondement scientifique et contraires au Code international de commercialisation des substituts du lait maternel – un accord de santé publique historique adopté par l’Assemblée mondiale de la Santé en 1981 pour protéger les mères contre les pratiques commerciales agressives des fabricants d’aliments pour nourrissons », dénoncent les auteurs du rapport. AÏKIDO MÉTHODOLOGIQUE Les spécialistes ont mené l’enquête dans huit pays de niveaux socio-économiques variés : Afrique du Sud, Maroc, Nigéria, Bangladesh, Vietnam, Chine, Mexique et Royaume-Uni. Les auteurs les ont choisis pour être assez représentatifs de leur zone géographique et également assez divers en matière de taux d’allaitement au sein. Entre août 2019 et avril 2021, ils y ont interrogé 8500 parents et femmes enceintes ainsi que 300 professionnels de santé, notamment des pédiatres, gynécologues, sages-femmes. Pour traiter leurs données, dans une sorte d’aïkido méthodologique, ils ont détourné les armes de l’ennemi. Ils ont mis en place des techniques propres au marketing commercial et aux enquêtes de consommateurs, ce qui n’était quasiment jamais arrivé dans le cadre d’une recherche en santé publique. Les auteurs ont par exemple conduit une centaine de « focus groups ». Privilégié par les professionnels du marketing, cet outil s’apparente à des réunions…
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Le Crying Plan, un outil de prévention du SBS testé à Lille
Tweet« La colère est depuis longtemps identifiée comme une composante de l’abus physique, mais nous n’y portons pas attention. » C’est ce que soulignait Jean-Yves Frappier, pédiatre et responsable des sections de médecine de l’adolescence et de pédiatrie sociale du CHU Sainte-Justine de Montréal, lors d’un colloque organisé par l’association Les Maux – Les Mots pour le dire, le 18 mars dernier, à Lille. Alors que l’Académie américaine de pédiatrie a affirmé dès 2001 que « le syndrome du bébé secoué se prévient à 100 % », l’expert est l’un des concepteurs d’un programme de prévention du syndrome du bébé secoué (SBS), lancé en 2002 au CHU de Sainte-Justine, puis généralisé à tout le Québec en 2008. Les outils de prévention développés par ses équipes ont inspiré le programme de prévention du bébé secoué de la maternité du CHRU de Lille, baptisé Crying Plan, mis en place en 2017. CIBLER LA COLÈRE L’équipe de l’hôpital de Sainte-Justine a identifié l’émotion de la colère en interrogeant des parents confrontés aux pleurs persistants d’un nourrisson et des personnes responsables de secouement. « Les pleurs du bébé et autres stresseurs engendrent de la colère et de la frustration chez les parents ou les personnes prenant soin de l’enfant, explique Jean-Yves Frappier. Cette colère peut être à l’origine d’une violence incontrôlée et représente le lien entre les pleurs et le secouement. » Le plan périnatal québécois de 2008-2018 note que « pour l’agresseur, le facteur de stress peut renforcer un sentiment d’incompétence, notamment au regard des gestes répétitifs – nourrir l’enfant, le laver, le langer – accomplis dans un état d’épuisement, d’exaspération ou de profond désarroi, états dont personne n’est à l’abri ». « Je ne pouvais pas imaginer qu’un bébé pleure autant », « Cela nous fait nous sentir coupables », « C’est tellement décourageant », ont par exemple témoigné des parents. « L’équipe du CHU a compris qu’il...




De nouveaux actes pour les libérales
TweetConclu le 17 décembre 2021 entre l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF), l’Union nationale et syndicale des sages-femmes (UNSSF), l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) et l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (Unocam), l’avenant 5 à la Convention nationale des sages-femmes a été publié officiellement le 19 mars. ENCADRER LA TÉLÉSANTÉ L’avenant ancre de façon pérenne le recours à la télésanté après que les sages-femmes aient été autorisées à y recourir, à titre dérogatoire, durant la crise sanitaire. La téléconsultation, les actes à distance et la téléexpertise – que les sages-femmes soient requérantes ou requises – leur sont donc ouverts. Les cotations sont applicables depuis mars 2022 : soit TCG pour la téléconsultation et TFS pour les actes à distance. Les tarifs sont les mêmes que ceux pratiqués pour les actes en présence du patient auxquels ils se substituent. Les majorations de férié et nuit sont applicables également. Les sages-femmes pourront aussi assister le patient au moment d’une téléconsultation réalisée par une autre profession médicale et coter une consultation dans ce cadre. Privilégiant le principe de territorialité, soit des réponses de proximité permettant le recours à des soins en présentiel lorsque la situation l’exige, l’accord encadre le recours à la télésanté. Les sages-femmes ne pourront réaliser que 20 % du volume de leurs actes à distance. Une limitation destinée à décourager tout dérapage vers le tout-distanciel. Autre condition imposée pour limiter les dérives et les captations de patientèle : les patientes doivent être connues de la sage-femme, c’est-à-dire avoir bénéficié d’au moins un acte en présentiel dans les douze mois précédents. Seules l’IVG médicamenteuse et les consultations gynécologiques d’urgence pour contraception peuvent être réalisées à distance sans respecter cette dernière obligation. La téléexpertise ouvre ainsi concrètement la voie à davantage de collaborations entre professionnels. Les généralistes prendront-ils le pli de faire appel à une sage-femme face...




Retour d’expérience sur l’accouchement dans l’eau
TweetHistoriquement, la maternité de Saint-Julien, de type 1, était déjà connue dans le bassin genevois pour disposer d’une baignoire depuis plus de 25 ans. Cette baignoire classique, comme on en trouve dans les foyers, était utilisée pour le prétravail, voire le travail. L’équipe de sages-femmes motivée pour accompagner les femmes au plus près de leurs projets de naissance y avait même fait quelques accouchements inopinés. Actuellement, en France, l’accouchement dans l’eau est pratiqué dans peu de maternités. De nombreuses études ont été publiées sur cette pratique plus courante dans de nombreux pays européens (Vanderlaan et al. 2018), en Australie ainsi qu’aux États-Unis (Bailey et al., 2019). À l’arrivée d’une sage-femme coordinatrice l’ayant pratiqué au Royaume-Uni, nous avons saisi la motivation de l’équipe pour travailler sur ce projet. Suite à la fusion de l’hôpital de Saint-Julien et d’Annecy donnant naissance au CH Annecy Genevois en 2014, nous avons pu obtenir l’aménagement de nouveaux locaux en 2016. Nous avons ainsi acquis une « birthing pool », baignoire spécifiquement conçue pour l’accouchement dans l’eau pour le confort et la sécurité des femmes et des professionnels. Nous avons invité une formatrice anglaise forte de vingt ans d’expérience dans l’enseignement de l’accouchement dans l’eau. Nous avons validé plusieurs protocoles avec l’équipe obstétricale et anesthésique et nous avons ainsi commencé à proposer cette alternative officiellement dès l’année 2017. Méthodologie Après 5 ans de pratique, voici l’analyse descriptive prospective monocentrique de la totalité des 256 accouchements dans l’eau qui ont eu lieu entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2021. Nous avons choisi, par le moyen d’un tableau Excel, de relever les critères suivants : la parité, l’âge gestationnel, le mode de délivrance, l’intervention postdélivrance : délivrance artificielle ou révision utérine, l’état du périnée, le poids du bébé, l’Apgar, les pH artériel et veineux, l’issue néonatale. Nous n’avons pas retenu le critère...