Covid-19 : Les préconisations des sociétés savantes

L’hôpital étant désormais considéré comme un cluster de Covid-19, les femmes doivent y rester le moins longtemps possible. Dans leurs multiples préconisations, les autorités sanitaires et plusieurs sociétés savantes comptent sur le renfort des sages-femmes libérales. La plupart du temps, l’accouchement d’une femme infectée peut se dérouler normalement et l’allaitement au sein doit être conservé.

Les collèges britanniques d'obstétriciens et de sages-femmes ont réalisé des guides très détaillés. Pour des ressources en français, le CNGOF présente plusieurs recommandations sur son site.

Sur la base des premières données scientifiques à propos de la grossesse et de l’accouchement en contexte de Covid-19, plusieurs sociétés savantes et autorités sanitaires ont rédigé des recommandations, ou plutôt des préconisations, à l’attention des professionnels de la périnatalité. Toutes s’accordent pour dire qu’il faut rester le moins longtemps possible à l’hôpital, devenu un lieu de contamination, même si deux circuits sont créés. D’ailleurs, les femmes infectées par le Sars-Cov-2, lorsqu’elles vont bien, doivent aussi rester davantage chez elles, y compris après leur accouchement, pour éviter la transmission à d’autres.

En France, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) s’est mobilisé le premier. Dès le 4 mars, il publiait une courte note au cours de laquelle il ne recommandait pas spécialement la césarienne aux femmes malades du Covid-19, ou simplement porteuses du Sars-Cov-2. Aujourd’hui encore, ce motif ne constitue pas à lui seul une indication médicale pour une naissance par voie chirurgicale. Depuis sa première version, le texte émis par le CNGOF s’est étoffé.

TÉLÉCONSULTATIONS

Le 1er avril, la Haute Autorité de santé (HAS) a publié deux textes, sur les suivis prénatal et post-natal, renvoyant abondamment aux écrits du CNGOF. Dans son texte sur le suivi des femmes enceintes, également signé par l’Association française de pédiatrie ambulatoire, le Collège national des sages-femmes (CNSF), la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité, le CNGOF et la Société française de néonatalogie (SFN), la HAS recommande d’articuler « le suivi des grossesses autour des trois échographies obstétricales. »

Pour les femmes à bas risque, dans la mesure du possible, il faut privilégier le suivi en ville, via les sages-femmes libérales qui peuvent opter pour la téléconsultation et quelques visites à domicile. Pour les femmes à haut risque obstétrical, il est recommandé une évaluation téléphonique pour juger de la pertinence du maintien des consultations présentielles.

Le CNGOF recommande aussi aux échographistes de différer l’examen des femmes qui présentent des symptômes évocateurs de Covid-19. Pour la HAS, il faut envoyer ces femmes chez un généraliste ou aux urgences « afin d’éliminer un diagnostic différentiel » et, ensuite, privilégier les téléconsultations. En théorie, toute femme enceinte suspectée d’avoir contracté le Sars-Cov-2 devrait être testée.  Selon la HAS, les sages-femmes doivent considérer ces patientes positives par défaut, y compris lorsque leur test est revenu négatif, les faux négatifs étant très nombreux avec la RT-PCR.

Côté préparation à l’accouchement et à la parentalité, les libérales et, dans une moindre mesure, les territoriales, privilégieront la téléconsultation. L’entretien prénatal précoce doit être maintenu. Pour celles qui souhaitent des détails très pratico-pratiques, mieux vaut s’orienter vers la publication de la Cellule de crise sage-femme. En collaboration avec l’Association des sages-femmes libérales (ANSFL) et l’Organisation nationale des syndicats de sages-femmes (ONSSF), elle présente un « protocole de prise en charge des patientes en période de Covid-19 », dont la dernière version a été mise à jour le 25 mars. Plusieurs détails, notamment sur l’hygiène et la protection, y sont présentés, pour recevoir les patientes au cabinet ou les visiter à domicile.

Fidèles à leur réputation, les Britanniques proposent des guides très détaillés sur ces sujets, régulièrement mis à jour. Dans la version du 3 avril du guide dédié à « l’infection à coronavirus pendant la grossesse », le Royal College of Midwives s’est associé au Royal College of Obstetricians & Gynaecologists. Les deux organisations proposent aussi un guide pour les soins pré et postnataux. Globalement, les préconisations françaises et anglaises sont à peu près alignées. Les Britanniques encouragent cependant le maintien de 6 consultations prénatales en présentiel, lorsque c’est possible. Les deux sociétés recommandent également aux femmes qui présentent des symptômes attribuables au coronavirus et qui ont prévu d’accoucher à domicile ou dans une maison de naissance non hospitalière de préférer l’hôpital, où le rythme cardiaque de leur fœtus pourra être enregistré en continu. 

VOIE BASSE OU CÉSARIENNE ?

Les experts anglais ne recommandent pas la césarienne. Ils écrivent d’ailleurs : « le mode d’accouchement ne doit pas être influencé par la présence de Covid-19, sauf si l’état respiratoire de la patiente demande un accouchement rapide. » Il en va de même pour les préconisations du CNGOF.

Dans leur document sur la « prise en charge aux urgences maternité d’une patiente enceinte suspectée ou infectée par le coronavirus (covid-19) » daté du 17 mars, soit le plus récent au moment où nous écrivons, il est précisé, dans le paragraphe consacré à l’installation de la patiente pour accoucher, « passage en salle de travail dédiée à la patiente sans accompagnant. » La présence d’un partenaire à l’accouchement a engendré un débat. Il faut dire que L’OMS recommandait l’inverse. Aussi, le 27 mars, Israël Nisand, ancien président du CNGOF, se fendait d’une brève missive, précisant : « Le CNGOF recommande d’accepter l’accompagnant en salle de naissance à partir de la phase active de travail, sans possibilité de va et vient. Les gestes barrière sont reprécisés à l’entrée de la salle de travail. L’accompagnant peut rester dans la salle dans les deux heures qui suivent l’accouchement. » Dans un communiqué du 31 mars, le ministère de la Santé a jugé bon de rajouter : « La présence du conjoint est bien possible, sous certaines conditions, lors de l’accouchement. » Mais en suites de couches, la présence de l’accompagnant reste interdite.

ORGANISATION DES SOINS

À l’hôpital, la prise en charge des patientes infectées ou suspectées de l’être doit s’organiser en amont. Les parcours des patientes dans l’enceinte de la structure doivent être réfléchis. En dehors des facteurs de risque habituels, l’hospitalisation n’est pas systématique, avec un bémol des experts du CNGOF qui ajoutent à la liste des comorbidités : « par analogie avec la grippe : patiente au troisième trimestre de la grossesse et/ou en surpoids. »

Toutes les recommandations s’accordent à souligner l’intérêt de dédier à ces patientes des chambres et des salles de travail ainsi que du matériel et du personnel. Ce dernier doit d’ailleurs être le moins nombreux possible, pour limiter l’exposition. Il est donc recommandé qu’une seule sage-femme soit dédiée à chaque patiente porteuse du Sars-Cov-2. 

Selon le CNGOF, face à un hypothétique cas, il faut prévenir le « sénior de garde », isoler la patiente et lui faire porter un masque de soin. Si elle présente une forme grave de Covid-19, le réanimateur doit donner son avis et, éventuellement la prendre en charge ou la transférer en réanimation. Lorsque les symptômes de la patiente restent suffisamment légers pour lui permettre d’accoucher normalement, les soignants doivent revêtir une tenue complète.

Dans sa version du 4 mars, le CNGOF recommandait le port de masque FFP2. Mais dans leur texte du 17 mars, les experts écrivent clairement « masque chirurgical (et non plus FFP2) ». Les soignants doivent aussi s’équiper de gants non stériles, lunettes de sécurité, charlotte, surblouse. Les gants et la surblouse doivent être jetés dans la pièce ou le box de soins, juste avant d’en sortir. Il faut ensuite quitter les lunettes et se frictionner les mains avec une solution hydroalcoolique. Une fois à l’extérieur de la pièce, on ôte son masque et on se refrictionne les mains avec le même type de solution.

PÉRIDURALE

En salle de naissance, la péridurale n’est pas contre-indiquée en présence du coronavirus. Chez les femmes infectées ou suspectées de l’être, elle devrait même être recommandée dès le début du travail, pour minimiser le recours à l’anesthésie générale et au protoxyde d’azote, soupçonné d’accélérer la diffusion du virus.

Le Club des anesthésistes réanimateurs en obstétrique (Caro) a d’ailleurs tenu à s’adresser directement aux patientes dans une lettre ouverte qui veut « rassurer sur la disponibilité d’un anesthésiste-réanimateur 7j/7 et 24 h sur 24, à la maternité afin de prendre en charge les césariennes, les soins d’urgence. L’accès à la péridurale pour l’accouchement sera préservé au maximum durant toute la période de la pandémie et ce tant que la disponibilité des anesthésistes-réanimateurs sera suffisante. »

L’extraction instrumentale est recommandée au cas par cas, dans l’objectif d’écourter les efforts expulsifs chez une femme symptomatique fatiguée ou hypoxique. Face au manque de données, le clampage tardif du cordon est toujours recommandé.

Côté allaitement, les Centers of disease control and prevention, autrement dit les CDC américains, préconisent toujours de séparer une mère Covid et son bébé. Mais ils sont presque les seuls. Le CNGOF invite à discuter des situations au cas par cas. Mais quand l’état de santé de la mère ou du bébé ne nécessite pas une prise en charge en soins intensifs, l’allaitement peut être initié et poursuivi, selon les désirs de la patiente. Dans sa note du 7 mars, la Société française de néonatalogie recommande d’éviter de séparer la mère et l’enfant, du moment qu’ils sont isolés dans une chambre seule et que la mère porte un masque. Elle doit évidemment bien se laver les mains avant de manipuler son bébé. Les experts britanniques vont dans le même sens.

SORTIE PRÉCOCE

Toujours pour éviter les contaminations, les sorties précoces doivent être privilégiées. La HAS alerte cependant sur les risques d’ictère, de cardiopathie, de déshydratation et dénutrition, sur le risque infectieux, ainsi que sur le risque du syndrome du bébé secoué. L’examen du nouveau-né entre 6 et 10 jours doit être réalisé par un médecin.

Les paramètres de surveillance de la mère sont les même que d’habitude, en y ajoutant, pour les femmes infectées par le coronavirus, la surveillance des symptômes respiratoires et de la fièvre, essentiellement. Il est recommandé de la contacter toutes les 48h, par téléconsultation de préférence. Cette mère doit rester strictement confinée pendant 14 jours, avec d’importantes précautions d’hygiène et un masque chirurgical. Le bébé ne doit évidemment jamais porter de masque. Enfin, la HAS précise qu’au « cours du premier mois de vie, pour tout examen du nouveau-né, il est recommandé de porter un masque et d’utiliser une solution hydroalcoolique. »