En 2018, une étude américaine est venue questionner nos certitudes. Celle-ci a comparé deux populations de femmes nullipares à bas risque. Les patientes du premier groupe ont accepté d’être déclenchées entre 39 SA et 39 SA + 4 j alors que les patientes de l’autre groupe ont été invitées à adopter une attitude expectative, attendant la survenue spontanée du travail jusqu’à 42 SA. Les résultats montrent que le taux de césarienne est significativement plus élevé dans le second groupe. Il en est de même pour la nécessité d’une assistance ventilatoire néonatale dans les 72 premières heures de vie [1]. Cette étude mérite d’être confirmée ou nuancée par d’autres, en s’attachant notamment à évaluer le déclenchement de convenance auprès de populations européennes. Un essai français randomisé multicentrique intitulé French Arrive est en cours à ce sujet. Cependant, de tels résultats interrogent dès à présent nos pratiques quotidiennes en salle de naissance. Certains services proposent déjà aux patientes éligibles un déclenchement de convenance. Dans ces situations, les sages-femmes sont en première ligne. De quelle manière sont-elles susceptibles d’engager leur responsabilité lors d’un déclenchement de convenance ? Pour répondre à cette question, nous procéderons dans un premier temps à un bref rappel sur la notion de responsabilité en droit français. Puis nous étudierons le cas où la sage-femme procède au déclenchement de convenance sur prescription médicale en le comparant, dans un second temps, au déclenchement de convenance que la sage-femme pourrait proposer de sa propre initiative. I – Rappels sur la notion de responsabilité. La responsabilité peut se définir comme « l’obligation faite à une personne de répondre de ses actes du fait du rôle, des charges qu’elle doit assumer et d’en supporter toutes les conséquences » [2]. Cela signifie qu’elle est appréciée pour chaque personne selon les fonctions qui lui sont attribuées. Au vu des…
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Halte au validisme
Tweet« Célibataire, je suppose ? » Telle est la question qu’a posée un médecin à Laetitia Rebord, encore que le point d’interrogation est peut-être de trop, tant la formulation et le ton lui ont paru affirmatifs. « Auprès de quelle jeune femme oserait-on pareille assertion, qui présuppose une absence totale d’activité sexuelle ? », s’interroge-t-elle encore. Invitée par l’Association nationale des centres d’IVG et de contraception (Ancic) lors de ses dernières Journées organisées fin mars à Grenoble, Laetitia Rebord est une patiente-experte. Elle présente une incapacité motrice presque complète, à l’exception des muscles du visage, d’un orteil et d’un pouce. Mais, comme elle le raconte dans sa truculente conférence La vie sexuelle inattendue d’une étoile de mer, visible sur son site internet Sexpair, elle est très loin de l’abstinence sexuelle ! UN SYSTÈME D’OPPRESSION Selon la dernière définition de l’OMS, « est handicapée toute personne dont l’intégrité physique ou mentale est passagèrement ou définitivement diminuée, soit congénitalement, soit sous l’effet de l’âge ou d’un accident, en sorte que son autonomie, son aptitude à fréquenter l’école ou à occuper un emploi s’en trouvent compromises ». L’approche médicale du handicap est centrée sur l’individu et sa pathologie. Elle veut la corriger, pour faire entrer l’individu dans une forme de normalité. À l’inverse, le modèle social considère le handicap dans le cadre d’une interaction entre l’individu et l’environnement. C’est l’environnement inadapté qui crée le handicap. Il est alors une pathologie sociale plutôt qu’individuelle. Quand on le nie, on n’est pas loin du validisme, qui justifie les discriminations dont souffrent les personnes handicapées. Ce système d’oppression considère que les personnes valides sont supérieures aux personnes handicapées. Le handicap est alors perçu comme anormal et honteux. « On trouve le validisme dans tous les domaines : juridique, social, médical… Il est partout. Et contrairement à certaines oppressions comme le sexisme ou le racisme, le validisme est...


Syndrome du bébé secoué : l’urgence de la prévention
TweetLe syndrome du bébé secoué (SBS) est la forme la plus fréquente de maltraitance dans la première année de vie d’un enfant. Il est aussi le traumatisme crânien le plus sévère chez un bébé, car « il cumule trois facteurs de mauvais pronostic : le très jeune âge, le caractère diffus des lésions cérébrales, et la répétition fréquente du secouement », selon les recommandations actualisées de la Haute Autorité de santé (HAS) de 2017. Son tableau clinique a été décrit par John Caffey en 1972, associant la présence d’un hématome sous-dural, d’hémorragies rétiniennes et l’absence de toute lésion ou impact traumatique. Mais combien de nourrissons en sont victimes ? INCIDENCE SOUS-ESTIMÉE Dans ses recommandations, la HAS estime que 1000 enfants sont concernés chaque année. Ce chiffre repose sur le croisement de deux variables du PMSI de 2013, soit les codes de séjour « âge inférieur à 1 an » et « hématome sous-dural ». « Ce chiffre ne prend pas en compte les cas insuffisamment graves initialement pour être hospitalisés ni les décès attribués parfois trop rapidement à la mort subite du nourrisson », souligne cependant la HAS. Il ne tient pas non plus compte des diagnostics manqués aux urgences pédiatriques. « Les enfants ressortent parfois avec un simple diagnostic de gastro-entérite, précise Jean-Yves Frappier, pédiatre et responsable des sections de médecine de l’adolescence et de pédiatrie sociale du CHU Sainte-Justine de Montréal, spécialiste du SBS. Et tous ne sont pas adressés aux urgences. » Une étude plus récente, publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 26-27 d’octobre 2019, croise d’autres codes de séjours, comme l’hémorragie rétinienne, spécifique du traumatisme crânien infligé par secouement. Étudiant les cas probables et les cas possibles sur la période 2015-2017, elle retrouve un taux d’incidence allant de 22,1 pour 100 000 naissances vivantes à 52,4 pour 100 000 naissances vivantes. C’est pourquoi la campagne d’information lancée par le secrétaire d’État en charge de...



Retour d’expérience sur l’accouchement dans l’eau
TweetHistoriquement, la maternité de Saint-Julien, de type 1, était déjà connue dans le bassin genevois pour disposer d’une baignoire depuis plus de 25 ans. Cette baignoire classique, comme on en trouve dans les foyers, était utilisée pour le prétravail, voire le travail. L’équipe de sages-femmes motivée pour accompagner les femmes au plus près de leurs projets de naissance y avait même fait quelques accouchements inopinés. Actuellement, en France, l’accouchement dans l’eau est pratiqué dans peu de maternités. De nombreuses études ont été publiées sur cette pratique plus courante dans de nombreux pays européens (Vanderlaan et al. 2018), en Australie ainsi qu’aux États-Unis (Bailey et al., 2019). À l’arrivée d’une sage-femme coordinatrice l’ayant pratiqué au Royaume-Uni, nous avons saisi la motivation de l’équipe pour travailler sur ce projet. Suite à la fusion de l’hôpital de Saint-Julien et d’Annecy donnant naissance au CH Annecy Genevois en 2014, nous avons pu obtenir l’aménagement de nouveaux locaux en 2016. Nous avons ainsi acquis une « birthing pool », baignoire spécifiquement conçue pour l’accouchement dans l’eau pour le confort et la sécurité des femmes et des professionnels. Nous avons invité une formatrice anglaise forte de vingt ans d’expérience dans l’enseignement de l’accouchement dans l’eau. Nous avons validé plusieurs protocoles avec l’équipe obstétricale et anesthésique et nous avons ainsi commencé à proposer cette alternative officiellement dès l’année 2017. Méthodologie Après 5 ans de pratique, voici l’analyse descriptive prospective monocentrique de la totalité des 256 accouchements dans l’eau qui ont eu lieu entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2021. Nous avons choisi, par le moyen d’un tableau Excel, de relever les critères suivants : la parité, l’âge gestationnel, le mode de délivrance, l’intervention postdélivrance : délivrance artificielle ou révision utérine, l’état du périnée, le poids du bébé, l’Apgar, les pH artériel et veineux, l’issue néonatale. Nous n’avons pas retenu le critère...