L’Anesf clarifie la place des étudiants sages-femmes dans la crise

Six associations et fédérations d’étudiants en santé ont signé un communiqué commun le jeudi 2 avril pour affirmer « leur place dans la gestion de la crise sanitaire ». Victoria Astezan, présidente de l’Association nationale des étudiants sages-femmes (Anesf) détaille comment son association se positionne et de quelle façon les étudiants en maïeutique peuvent venir en renfort des équipes dans les maternités.

Comment l’Anesf s’est-elle organisée?

Nous sommes membres de la cellule de crise mise sur pied par les instances et associations de sages-femmes, qui se réunit tous les deux jours le matin. Nous communiquons aussi plus particulièrement avec le Conseil national de l’Ordre et la Conférence nationale des enseignants en maïeutique (Cnema) pour échanger des informations et coordonner nos interventions. Nous sommes en lien régulier avec les autres associations et fédérations des étudiants en santé. Nous avons tenu à rappeler notre place dans la gestion de la crise sanitaire dans un communiqué (lire ci-dessous). Nous avons dû alerter les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur sur nos problématiques, d’autant plus que l’Anesf n’était pas consultée. Les deux ministères ont décidé d’organiser un point hebdomadaire tous les lundis avec les fédérations des étudiants de santé, à partir du 6 avril prochain.

Dès le début de la crise, la question du maintien en stage des étudiants sages-femmes s’est posée. Quel est le point de vue de l’Anesf ?

Nous avons mené cette réflexion pour que les étudiants ne soient pas pénalisés par la crise. Les positions au sein de l’Anesf sont partagées et doivent encore être votées. Globalement, nous sommes plutôt contre le maintien des stages, tout en ayant listé les conditions à réunir dans le cas contraire. Un stage doit toujours avoir des objectifs définis et être encadré par une convention. Il doit aussi pouvoir être validé et assorti d’un suivi pédagogique continu. La sécurité sanitaire des étudiants doit être respectée. Par exemple, si la consigne pour un stagiaire est de porter un seul masque toute la journée, ce qui va à l’encontre des recommandations en vigueur, les stages ne peuvent pas être poursuivis.

Par ailleurs, leur maintien ne doit pas pénaliser les étudiants obligés de rester confinés parce qu’ils sont en contact avec des personnes infectées, suspectées de l’être ou simplement à risque. Ces étudiants doivent se voir proposer une alternative, comme un report du stage. Et si un étudiant est malade, il doit respecter les recommandations et se retirer de son stage.

Aujourd’hui, la majorité des stages maintenus respectent ces conditions. Dans environ 10 écoles de sages-femmes sur 32, tous les stages ont été annulés. Dans la plupart des autres écoles, seuls les stages pour les étudiants de premier cycle l’ont été. Ce sont donc essentiellement des étudiants de quatrième et cinquième année qui restent aujourd’hui en stage dans les maternités. Des étudiants en troisième année sont encore en stage à ce jour surtout dans le Grand-Est, où les maternités accueillent davantage de patientes Covid+.

Les étudiants souhaitent venir en renfort des soignants sur le terrain. Les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur ont même estimé qu’il s’agissait d’une activité « essentielle » pour leur formation. Comment peuvent-ils le faire en dehors des stages ?

Il est en effet formateur pour des étudiants de voir comment cette crise inédite est gérée au sein des hôpitaux. Ils sont nombreux à vouloir apporter leur aide. Concernant l’instruction du 18 mars 2020, qui encadre la participation des étudiants en santé à la crise, l’Anesf n’a pas été consultée, contrairement à ce que laisse entendre le texte. Cette instruction évoque la réquisition possible des étudiants en santé. En réalité, et le ministère nous l’a confirmé oralement ce jeudi 2 avril, les étudiants sages-femmes ne peuvent pas être réquisitionnés, car ils n’ont pas d’équivalence de diplôme. Une instruction plus précise doit être publiée prochainement dans ce sens.

En revanche, les étudiants peuvent être autorisés par les Agences régionales de santé à assumer des vacations, conformément à l’instruction du 18 mars. Il s’agit de « faire fonction » d’aide-soignant, dès la deuxième année d’étude, ou d’auxiliaire de puériculture, dès la troisième année. Ces vacations devraient faire l’objet d’une rémunération. Mais pour l’instant, rien n’est cadré. Nous savons simplement que le ministère de la Santé serait en train de travailler sur une grille.

Les étudiants peuvent aussi se porter volontaires. Il ne s’agit pas de bénévolat non rémunéré. Les missions de volontariat aujourd’hui exercées par des étudiants sont variables. Cela va de la garde d’enfants au montage de kit de protection contre le Covid-19, en passant par du brancardage, de la régulation Samu ou encore des fonctions d’agent des services hospitaliers (ASH)pour l’entretien des locaux. Nous avons alerté les étudiants pour qu’ils refusent toute mission pour laquelle ils n’ont pas les compétences ou le savoir-faire. Là encore, le cadre légal et assurantiel du volontariat reste à mettre en place.

Quels ont été les problèmes rencontrés par les étudiants stagiaires ?

La première semaine du confinement, des étudiants encore en stage se voyaient refuser l’attribution d’un masque. Certains se sont entendu dire : « Vous êtes jeunes, vous êtes moins à risque et vous n’en avez pas besoin ». Nous avons insisté auprès des étudiants pour qu’ils nous informent de ce type de situations inacceptables. Depuis, soit les stages ont été suspendus, soit les recommandations de protection ont été respectées. Cela s’est apaisé.

Pour l’instant, les stagiaires ne sont pas dépistés systématiquement, alors qu’ils peuvent être porteurs sains. Il faudrait tester tous ceux qui sont sur le terrain.

Qu’en est-il de la continuité pédagogique ?

Tous les cours sont suspendus depuis le lundi 16 mars. La majorité des écoles proposent des cours à distance, ce qui marche plutôt bien. Les écoles non intégrées au sein d’une université ont parfois davantage de difficultés à organiser ces cours à distance. Les examens sont reportés ou maintenus à distance. Les soutenances de mémoire ont lieu en visioconférence.

Dans certaines écoles, des cours de troisième année sont déjà dispensés aux étudiants de deuxième année, en lieu et place des stages, qui seront alors reportés à la rentrée prochaine. Certaines écoles font de même pour les étudiants en quatrième année.

Les conséquences de ces bouleversements pour l’obtention du diplôme nous interrogent. A priori, elles ne devraient pas être trop lourdes, car il y a peu de contraintes à décaler les examens cliniques au début de l’été. Souvent, les stages ont été maintenus pour les étudiants en cinquième année dans le but de ne pas entraver l’obtention du diplôme.

Quelles sont vos inquiétudes concernant les étudiants ?

Certains étudiants nous ont signalé qu’ils se sentaient mal, notamment lorsqu’ils ont entendu des propos durs de la part des équipes lors de leur stage, concernant le fait qu’ils ne pourraient bénéficier de masques de protection. Nous avons remonté ces informations au Centre national d’appui à la qualité de vie des étudiants en santé (CNA), chargé de promouvoir la bientraitance des étudiants. Ces situations ont été résolues et, pour l’instant, nous n’avons pas d’alerte majeure à propos du stress ou de l’épuisement psychologique et physique des étudiants.

Nous les avons informés qu’ils pouvaient aussi signaler leur situation auprès du CNA ou des structures d’accompagnement existantes à l’université. Il est possible que dans les prochaines semaines, les cas de femmes enceintes Covid+ soient plus nombreux dans les maternités. Ce sera sans doute plus dur pour les étudiants.

Toute crise permet de révéler des dysfonctionnements ou, au contraire, des éléments positifs. Qu’en est-il pour l’Anesf ?

Cette crise révèle en effet les rouages de chaque organisation. Concernant les études de maïeutique, elle montre qu’aucune disposition n’est prévue au cas où des examens ne peuvent se tenir. Elle pose aussi la question des équivalences de diplômes d’aide soignante ou d’auxiliaire de puériculture, un sujet qu’il serait intéressant d’explorer après la crise. Elle souligne aussi que les formations ne sont pas homogènes au sein des écoles de sages-femmes. D’une école à l’autre, les étudiants n’ont pas les mêmes types de stages selon leur ville d’étude. De fait, il n’y a pas d’alternative valable pour toutes les écoles pendant cette crise.

En revanche, je suis ravie de la façon dont nous nous coordonnons entre fédérations et associations d’étudiants en santé (médecins, pharmaciens, infirmiers, dentistes, kinésithérapeutes). Nous sommes tous soucieux de la façon dont la crise affecte les uns et les autres au niveau légal et statutaire et nous partageons de nombreuses réflexions et informations.

La crise nous a aussi rendus créatifs. Pour rendre le quotidien des étudiants confinés plus agréable, l’Anesf prépare des podcasts, des vidéos et des activités ludiques et pédagogiques qu’elle postera sur Instagram.

Propos recueillis par Nour Richard-Guerroudj le 2 avril 2020