Le devenir des dossiers patiente

Toute sage-femme libérale a la responsabilité de conserver et d’archiver ses dossiers patientes. Mais encore faut-il savoir combien de temps les garder et par quels moyens.

La responsabilité de la tenue d’un dossier médical et sa conservation incombent à la sage-femme libérale qui le détient. Il est à noter que le dossier médical partagé (DMP) ne peut se substituer au dossier tenu par un professionnel de santé. Mieux vaut donc compter sur soi pour la conservation des documents importants. En pratique, qu’il soit numérique ou papier, l’archivage des dossiers répond à trois objectifs.
Il s’agit d’abord de garantir la continuité des soins en cas de cessation d’activité. La sage-femme doit aussi être en mesure de répondre à une demande de communication du dossier formulée par la patiente ou ses ayants droit. L’article L. 1111-7 du Code de santé publique (CSP), modifié par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, précise en effet que « toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels et établissements de santé ». Enfin, le dossier constitue un moyen de preuve juridique. 

TRANSMISSION ET CONSERVATION

Aucun texte ne précise la durée minimale de conservation des dossiers médicaux par un professionnel de santé libéral. Faut-il alors s’aligner sur le délai de vingt ans fixé pour les établissements de santé ? Pas si simple. Pour assurer la continuité des soins, lorsqu’une cessation d’activité est programmée, il est du devoir de la sage-femme d’en avertir ses patientes (affichage dans la salle d’attente, information orale, annonce dans la presse locale). Si les patientes ne s’y opposent pas, les dossiers sont transmis à la successeure. En l’absence de celle-ci, il appartient à la sage-femme de transmettre les dossiers à la professionnelle désignée par chaque patiente. Reste alors un reliquat de dossiers dont il faut assurer l’archivage. Comme le droit d’accès d’une patiente – ou de ses ayants droit – à son dossier n’est pas limité dans le temps, une solution d’archivage pérenne est préférable. La famille de la sage-femme, qui peut être amenée à répondre à une demande de dossier, devrait être informée du lieu de conservation et des modalités d’accès aux archives. Il en va de même pour le conseil départemental de l’Ordre. En cas d’interruption brutale de l’activité et au cas où la sage-femme est dans l’incapacité d’organiser elle-même la transmission des dossiers aux professionnelles désignées par les patientes, le conseil départemental apportera de l’aide à sa famille et invitera les patientes à lui adresser leur demande.

Par ailleurs, en cas de recherche en responsabilité civile, un dossier médical constitue un élément de preuve important, qui peut être utile à la défense de la sage-femme et de ses héritiers le cas échéant. Il est alors utile de comprendre les subtilités de la prescription en la matière. Tous les actes ou préjudices causés par un professionnels de santé avant la publication de la loi Kouchner au Journal officiel, c’est-à-dire le 5 mars 2002, sont prescriptibles trente ans après. Ceux causés après la publication de la loi ne sont prescrits que dix ans après la consolidation du dommage (article L1142-28 du CSP). Or la consolidation ne marque pas le moment où le dommage est causé, mais la date à laquelle il prend un caractère permanent et où son étendue à long terme est évaluée. Cette consolidation juridique survient souvent bien des années après la plainte, dans des délais variables. Il est donc conseillé de conserver les dossiers pendant 30 ans, voire 48 ans lorsqu’il s’agit de patientes mineures.


Les archives des dossiers patientes peuvent être soit numériques, soit en version papier. © ionoko – istockphoto.com

MODALITÉS D’ARCHIVAGE

Au quotidien, les logiciels métier comprennent souvent une fonctionnalité permettant l’archivage d’un dossier d’un simple clic. À plus long terme, les dossiers doivent être conservés de façon à ce que leur confidentialité et leur pérennité soient assurées. Le papier est considéré comme un support durable et les documents numériques sont réputés probants à condition d’être « intègres », c’est-à-dire fidèles et durables. La jurisprudence considère en effet que « l’écrit sous forme électronique ne vaut preuve qu’à condition que son auteur puisse être dûment identifié et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité et porte la date de création du document »
(Cour civile 2, pourvoi n° 07-17622 du 4 décembre 2008).
En pratique, il est conseillé d’établir des copies numériques horodatées, sur des supports de stockage non réinscriptibles ou des disques magnétiques, rendus non réinscriptibles à l’aide d’un logiciel. Il est préférable d’éviter de conserver ces copies sur des CD ou DVD, fragiles.

Pour éviter l’encombrement lié au papier et les soucis techniques, il est possible de faire appel à une société d’archivage, au fait des contraintes spécifiques des professionnels de santé. Le contrat doit préciser les conditions et durée de conservation, de même que les modalités d’accès aux dossiers archivés. Il peut être utile d’y indiquer que si la sage-femme n’est plus en mesure de donner des directives, il sera fait appel au conseil départemental de l’Ordre. Le contrat signé pourra d’ailleurs être communiqué à ce dernier. 

Quels documents conserver ?

Les recommandations de la Haute Autorité de santé de 2005 relatives à l’Accès aux informations concernant la santé d’une personne précisent que le dossier patient correspond à toutes les « informations concernant sa santé qui sont formalisées ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé ». La HAS indique qu’il peut ainsi s’agir de résultats d’examen, des comptes rendus de consultation ou d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé. Pour sa part, l’article R4127-45 du Code de santé publique dissocie le dossier médical prévu par la loi des fiches d’observations tenues par un médecin au sujet de ses patients. Il précise que ces fiches, confidentielles, ne sont pas accessibles au patient et aux tiers. Cette disposition semble extrapolable aux sages-femmes. 

Nour Richard-Guerroudj