« Depuis que je suis installée en libéral, je passe beaucoup de temps à m’excuser pour la profession », raconte Nicole Andrieu, sage-femme spécialisée en sexologie. Nombreuses sont ses patientes à se plaindre de troubles de la sexualité depuis leur accouchement. Pour la professionnelle, les vécus traumatiques liés aux pratiques en salle de naissance et de consultation sont à prendre en compte. Elle a commencé à lister ces gestes qui blessent. En tête arrivent les touchers vaginaux et les poses de sonde sans demander l’accord de la patiente ni utiliser de lubrifiant. Vient ensuite tout ce qui met à mal la pudeur : le port de la blouse qui ne couvre pas les fesses, les portes laissées ouvertes, les examens sur les étriers en présence de multiples intervenants qui entrent et sortent sans même se présenter, l’orientation de la table vers la porte, les vitres sans tain qui donnent l’impression d’être à la vue de tous, etc. « La femme se sent dépossédée de son corps. Comment pourra-t-elle le réintégrer ensuite ? » Le déroulé de l’accouchement, mieux vécu si la femme est actrice plutôt que spectatrice, influence la reprise de la sexualité. La péridurale joue donc un rôle. Les forceps et les ventouses peuvent renforcer l’impression de ne pas avoir accouché correctement. « Attention aussi aux instruments pleins de sang laissés à la vue de la femme comme de l’homme. Il en va de même de l’utilisation du miroir en salle d’accouchement, avertit la sage-femme. Ce n’est pas la peine de montrer à une femme son sexe tuméfié. La réfection d’une suture sans anesthésie a également un gros impact sur la reprise de la sexualité. » De façon générale, la sage-femme recommande d’être très attentif à ses paroles et à ses propres mimiques pendant les examens et les gestes…
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La sexo, c’est d’abord de la physio
TweetDis donc, c’était mieux avant la naissance du deuxième. On ne s’éclate plus trop au lit. Tu n’aurais pas une idée ? » « Heu… Comment dire ? Face à cette patiente, je me suis sentie bien nulle ! », confie une sage-femme. « Lors des consultations de post-partum, je pose la question de la reprise de la sexualité, ajoute une de ses consœurs. Les femmes sont nombreuses à évoquer un trouble du désir. Je demande alors si c’était mieux avant. Et quand on me répond “non, avant non plus ce n’était pas terrible”, je me sens vraiment démunie. » « Si ma patiente se plaint au niveau de sa sexualité, je change sa pilule, je donne des compléments alimentaires, mais… en réalité, je ne peux pas l’aider », reconnaît une troisième collègue. En ce matin du mois de mai, seize sages-femmes libérales, venues des départements du Calvados et de la Manche, s’apprêtent à boire les paroles de Nicole Andrieu pendant deux jours complets. Formée à la sexologie, qu’elle pratique désormais en routine dans son cabinet d’Obernai, l’Alsacienne a été dépêchée pour ce stage par l’Association nationale des sages-femmes libérales. Depuis quelques années, elle parcourt la France pour former ses consœurs au sujet. Ce matin, elle a investi une salle de la maison des associations de Caen. L’IGNORANCE EN PARTAGE « Mettre au monde un enfant de façon la plus physiologique possible ne m’intéresse pas s’il n’a plus de parents ensuite », commence Nicole Andrieu, qui exerce depuis trente ans. Partant du constat que de nombreuses séparations surviennent dans les trois ans qui suivent une naissance, elle se focalise sur le couple. « Com ment va-t-il résister à ce tsunami qu’est l’arrivée d’un bébé ? » L’insatisfaction sexuelle, qui va souvent de pair avec le manque d’intimité, est un facteur important à l’origine de...

Entretien : « Les parents déficients intellectuels sont d’abord des parents »
TweetCombien d’enfants sont nés de parents avec une déficience intellectuelle ? Une seule étude à visée épidémiologique menée en 1995 par l’Unapei (Union nationale des associations de parents et amis de personnes handicapées mentales) recensait 13 000 enfants nés d’un parent avec une déficience intellectuelle (Padi). Depuis les années 1990-2000, nous constatons une augmentation exponentielle de ces parentalités. On peut dire qu’aujourd’hui, plusieurs dizaines de milliers d’enfants ont un parent dans cette situation, malgré l’absence de chiffres officiels. Au niveau politique et juridique, nous sommes passés progressivement d’une ségrégation des personnes handicapées à une volonté d’intégration. Les lois de 1975, 2002 et 2005 ont renforcé leurs droits. Les citoyens côtoient plus souvent des personnes atteintes de déficiences intellectuelles intégrées en milieu ouvert. Même si une méfiance perdure à leur égard, ces personnes apparaissent moins étranges. De leur côté, les institutions ont mis l’accent sur l’autonomie et l’épanouissement. Leurs compétences étant valorisées, ces personnes revendiquent de vivre « comme tout le monde ». Le désir d’enfant s’inscrit dans cette logique. Ce phénomène suscite des craintes concernant le devenir des enfants. Que disent les études ? La plupart des études ont été menées à l’international, dans des contextes différents et non extrapolables. Comme elles sont rares, cela laisse libre courts aux discours affirmant que les parents handicapés ne devraient pas avoir d’enfant. En 2005, le laboratoire Padi amené une étude auprès de 144 services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS) de France auprès de familles où au moins un des parents avait une déficience légère reconnue. Elle incluait 1060 enfants : 83 % ne présentaient aucun handicap. Cela signifie que 17 % avaient une déficience, un taux supérieur à ce qu’on observe ordinairement. Mais cela va à l’encontre du préjugé qui veut que tous les enfants nés de Padi naissent également déficients....

Parents handicapés mentaux : quel accompagnement ?
TweetAvoir un handicap mental est-il compatible avec l’exercice de la parentalité ? Jusque dans les années 2000, ce phénomène faisait peur, la déficience intellectuelle des parents rendant leurs enfants vulnérables. Bien souvent, ces derniers étaient placés par les services de protection de l’enfance. Face à un nombre grandissant de parents, plusieurs professionnels de l’accompagnement du handicap ont décidé de réunir leurs connaissances avec les professionnels de l’accompagnement de la grossesse et de l’enfance. Faisant le pari d’une parentalité possible, ils ont fait évoluer leur philosophie et leurs actions, tout en restant vigilants sur la sécurité physique et psychique des enfants nés dans ces familles particulières. SERVICES DÉDIÉS A Saint-Nazaire, au sein de l’association Jeunesse et Avenir, qui gère plusieurs services d’accompagnement, foyers d’accueil ou établissements de service d’aide par le travail [Esat (1)], un Service d’accompagnement et de soutien à la parentalité (Sasp) a été mis sur pied en 2004. « Depuis, le département de Loire-Atlantique en compte trois autres », explique Benoît Lacourt, directeur des structures d’hébergement et d’accompagnement de l’association. Le Sasp dispose de trois éducatrices spécialisées, une psychologue et une secrétaire. Il offre 26 places pour des personnes ayant une notification de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). « Les parents ou futurs parents euxmêmes s’adressent à nous, même s’ils sont accompagnés, et nous contractualisons directement avec eux », souligne le directeur.Un Service d’aide et d’accompagnement à la parentalité (Saap) a aussi été créé en 2004, au sein des Papillons Blancs, une des neuf associations de parents et amis de personnes en situation de handicap mental (Apei) de Roubaix-Tourcoing. Trois éducateurs suivent en continu 36 familles avec un enfant de moins de six ans. « Nous accompagnons des parents avant d’accompagner des personnes handicapées », insiste Valérie Devestel, directrice des services de milieu ouvert de l’Apei...