L’état de stress post-traumatique en périnatalité

Qu’est-ce que l’état de stress post-traumatique (ESPT) ?

L’ESPT (cas général) est un trouble psychique qui survient après un évènement « traumatique » dépassant les ressources cognitives et émotionnelles de l’individu. Les symptômes sont classés en quatre catégories selon le DSM-V (1) (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders – 2013) :

  • l’évitement des stimuli rappelant l’évènement
  • l’hyper-réactivité (irritabilité, hyper-vigilance)
  • la reviviscence de l’évènement (cauchemars, flashback)
  • une altération de l’humeur (émotions négatives)

L’ESPT a été initialement décrit chez des soldats au retour de guerre. Il peut aussi survenir dans des situations très diverses : atteinte de l’intégrité corporelle (accidents, problèmes de santé, agressions, dont sexuelles), catastrophes naturelles, crainte pour la santé d’autrui…

Si des symptômes apparaissent dans les jours suivant l’évènement, on le définit comme un état de stress aigu. L’ESPT apparait à distance de l’évènement (à partir d’un mois).

ESPT et maternité

Épidémiologie

La prévalence de l’ESPT en périnatalité est d’environ 

  • 3 % chez les femmes : 1 % pré-existant et 2 % consécutifs à la grossesse et/ou l’accouchement (2)
  • 18,95 % pour les femmes qui présentent des facteurs de risque (2)
  • 9 % en cas de perte périnatale (3)

Le père peut lui aussi developper un ESPT (notamment dans des contextes d’HDD et de prématurité) (4)(5)

Facteurs de risque (6)

– ATCD violences physiques/morales/sexuelles

– ATCD psycho/psychiatriques (dépression, troubles psy)

– Vécu psychique SUBJECTIF de l’accouchement (7) 

45 % des femmes évoquent l’accouchement comme un facteur de stress majeur et/ou traumatique (8)

– Prématurité/pathologies fœtales

– Complications obstétricales (césariennes, HDD, MFIU, IVG…)

Facteurs protecteurs -> Comment prévenir l’ESPT ?

• Sentiment de contrôle, participation aux prises de décisions médicales tout au long du suivi périnatal

• Questions et échanges possibles : espace de parole

• Être attentif à la douleur et au soutien perçu

• S’assurer que la patiente se projette dans la réalité

• Orientation précoce des femmes à risque (9)(10).

Conséquences sur la maternité

L’ESPT a des conséquences négatives sur le bien-être maternel et aussi sur la relation mère-enfant : la mère est moins disponible, il existe des difficultés d’interaction précoces, et le nouveau-né peut présenter des difficultés à réguler ses émotions (11)(12). L’ESPT peut également impacter la relation conjugale, la sexualité et le désir ultérieur de grossesse (plus d’IVG/césariennes programmées) (13).

Comorbidite dépressive ?

Il existe une comorbidité importante entre la dépression périnatale et l’ESPT. Ils ont des facteurs de risque communs et des expressions cliniques différentes. Il est donc important de les dépister conjointement et de les différencier.

Repérer et orienter

Où ? Quand ? Comment ?

Repérer les facteurs de risque psychosociaux représente un axe majeur de prévention reconnu par la Haute Autorité de santé (HAS) pour les professionnels de santé périnatale.

QUAND ? La HAS (2005 ; 2014) (14)(15) et le plan de périnatalité (2005) recommandent d’être attentif au bien-être de la femme enceinte, de la dyade mère-enfant et de la famille tout au long de l’accompagnement : entretien prénatal précoce, séances de préparation à la naissance et à la parentalité, en salle de naissance, dans le post-partum, durant les consultations postnatales.

COMMENT ? Tous les professionnels de santé contribuent au repérage de l’ESPT. Le diagnostic de certitude est posé par un.e professionnel.le de santé mentale.

• Identifier les contextes à risque ?

• « Quel souvenir avez-vous de votre accouchement ? » ; cette question à J2 permet d’identifier les femmes à risque de développer un ESPT (16).

• Autoquestionnaire permettant de rechercher un ESPT : Impact of event scale (IES-R)

• Autoquestionnaire permettant de rechercher une dépression du post-partum (DPP) comorbide : Edimburgh post-natal dépression scale (EPDS)

Nota bene – L’entretien postnatal précoce est recommandé par la HAS. Il peut être proposé et réalisé entre le huitième et quinzième jour après l’accouchement. Il permet aux parents d’exprimer leur vécu, des besoins et leurs difficultés lors d’une prise de parole d’une heure. Il est à différencier des visites postnatales qui sont elles prises en charge à 100 %. Les visites à domicile représentent un moment de repérage important.

VERS QUI ORIENTER ?

  • Psychologues et/ou psychiatres hospitaliers et libéraux
  • Réseau de soin (PMI) pour soutien à la parentalité
  • Service de psychiatrie périnatale

Approche thérapeutique globale & personnalisée

  • ESPT maternel : première intention -> EMDR, thérapie cognitivo-comportementale, hypnose ; deuxième intention -> remédiation corpo-émotionnelle, sophrologie

Traitement psychotrope : symptômes trop intenses/si échec et/ou en association avec la psychothérapie

  • roubles relationnels dyadiques et familiaux : service psychiatrie périnatale/soutien à la parentalité

BIBLIOGRAPHIE – Pour en savoir plus…

(1) American Psychiatric Association. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. 5th edition. 2013

(2) Ayers S, Phillips L, Yildiz P.D. The prevalence of posttraumatic stress disorder in pregnancy and after birth : a systematic review and meta-analysis. Journal of Affective Disorders. 2017 (208) ; 634-645.

(3) Giannandrea SA, Cerulli C, Anson E, Chaudron LH, incresaed risk for postpartum psychiatric disorders among women with past pregnancy loss. 2013 ; 22(9)

(4) Lasiuk GC1, Comeau T, Newburn-Cook.C. Unexpected : an interpretive description of parental’s traumas associated with preterm birth. BMC Pregnancy Childbirth 2013; 13

(5) Ricbourg A, Gosme C2, Gayat E3, Ventre C2, Barranger E4, Mebazaa A3 Emotional impact of severe postpartum haemorrhage on women and their partners: an observational, case-matched, prospective, singlecentre pilot study. Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol. 2015 Oct;193:140-3.

(6) Grekin, R., & O’Hara, M.W. (2014). Prevalence and risk factors of postpartum posttraumatic stress disorder: A meta-analysis. Clinical Psychology Review, 34(5), 389401.

(7) Howard LM, Molyneaux E, Dennis CL, Rochat T, Stein A, Milgrom J. Non psychotic mental disorders in the perinatal period. Lancet. 2014 ; (384) ; 1775-1788

(8) Bernard E, Zakarian C, Pauly V, Riquet S. Evaluation de la perception des facteurs de stress postaccouchement au Gynepole Marseille. Santé Publique. 2017 ; 29 (5)

(9) De Schepper S, Vercauteren T, Tersago J, Jacquemyn Y, Raes F, Franck E.Post-Traumatic Stress Disorder after childbirth and the influence of maternity team care during labour and birth: A cohort study. Midwifery. 2016 Jan; 32:87-92

(10) McKenzie-McHarg K, Poote A. The experience of PTSD following childbirth. British Journal of Mental Health Nursing. May/June 2015. 4(3) : 122-128.

(11) Muzik M1, Morelen D2, Hruschak J2, Rosenblum KL2, Bocknek E3. Psychopathology and parenting: An examination of perceived and observed parenting in mothers with depression and PTSD. J Affect Disord. 2017 Jan 1;207:242-250.

(12) Dozio, E., Feldman, M., Moro, M.-R., Transmission du traumatisme mère–bébé dans les interactions précoces. Pratiques psychologiques. Volume 22, Issue 2, June 2016, Pages 87-103.

(13) Stramrood, C., & Slade, P. (2017). A Woman Afraid of Becoming Pregnant Again: Posttraumatic Stress Disorder Following Childbirth. Bio-Psycho-Social Obstetrics and Gynecology, 33–49.

(14) Haute Autorité de santé. Recommandations de bonne pratique ; Sortie de maternité après accouchement. Mars 2014

(15) Plan de périnatalité 2005-2007. « Humanité, sécurité, proximité, qualité ». Ministère chargé de la santé. 42p.

(16) Sentillhes L, Maillard F, Brun S, Madard H, Goffinet F et al. Risk factors for chronic post-traumatic stress disorder one year after vaginal delivery : a prospective observational study. Nature. Aout 2017