Partager les locaux : à quelles conditions ?

Le développement de l’exercice en groupe et en maisons de santé pluriprofessionnelles amène de plus en plus de sages-femmes libérales à partager des locaux ou la salle d’attente du cabinet. Mais attention au respect des règles déontologiques.

Les dispositions régissant le partage des locaux et notamment de la salle d’attente avec d’autres professionnels de santé ou avec des non-professionnels de santé ont évolué au fil des ans. Il y a quelques années, le code de déontologie des médecins interdisait même à deux médecins de spécialités différentes de partager la même salle d’attente. Mais aujourd’hui, lorsque tous les praticiens d’une structure de groupe sont des professionnels de santé au sens du Code de la santé publique (CSP), le partage de l’entrée, de la salle d’attente, du secrétariat et plus généralement des parties communes ne pose pas de difficultés particulières. Si le code de déontologie des sages-femmes ne le stipule pas, le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes (CNOSF)
précise que « conformément au principe du secret professionnel et de l’indépendance professionnelle, la sage-femme ne peut partager ses locaux qu’avec des membres de professions de santé réglementées (professions médicales et paramédicales) dont l’exercice professionnel n’a aucune vocation commerciale ». 

DES PARTAGES INTERDITS

Le Conseil national de l’Ordre des médecins recommande de ne partager les locaux qu’entre professionnels de santé au sens du CSP. L’Ordre des sages-femmes est plus souple. Le partage des locaux est toléré avec les professions du soin dont l’usage du titre et la formation ont été encadrés par la loi. Les sages-femmes peuvent donc être amenées à partager leurs locaux avec des ostéopathes, chiropracteurs, psychologues et psychothérapeutes
exclusifs. 

En revanche, partager un local avec des professionnels se réclamant du soin, mais dont ni le titre ni la formation ne sont encadrés, n’est pas conforme à l’esprit du code de déontologie. L’article R4127-320 du CSP stipule bien : « Est interdite à la sage-femme toute facilité accordée à quiconque se livre à l’exercice illégal de la médecine ou de la profession de sage-femme »

Les sages-femmes doivent donc être particulièrement vigilantes quant aux personnes ayant des pratiques pouvant donner lieu à des dérives thérapeutiques et éviter d’y être associées, même seulement par les locaux. Bien que certains médecins et sages-femmes dérogent à ce principe, le partage des locaux avec un sophrologue ou un naturopathe, par exemple, n’est pas autorisé. Un conseil départemental de l’Ordre peut refuser ce type d’installation ou demander l’arrêt du partage des locaux. Le code de déontologie interdit aussi tout compérage entre professionnels de santé, conformément à l’article R.4127-321 du Code de la santé publique. Il s’agit d’éviter toute forme d’entente ou de collusion en vue d’obtenir des avantages au détriment des patientes. Par exemple, il est interdit d’attester ou de facturer l’exécution d’actes en réalité effectués par un autre professionnel de santé.

Dans les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), les règles sont identiques. Alors que les MSP comptent souvent en leur sein des professionnels
médicosociaux, ils peuvent partager des locaux avec des professionnels de santé dès lors qu’ils ne participent pas aux actions de santé publique ou de prévention ou d’éducation thérapeutique et qu’ils ne sont pas partie prenante du projet.

RÈGLES PRATIQUES

En pratique, en MSP ou ailleurs, le partage des locaux doit respecter l’indépendance de chaque professionnel, préserver la confidentialité, le secret médical et éviter tout compérage. 

Les ordres professionnels conseillent souvent de créer des salles d’attentes séparées entre professionnels de santé et les professionnels médicosociaux. 

Selon les principes généraux du code de déontologie des sages-femmes, on peut établir les règles suivantes pour le partage des locaux :

  • les patientes doivent être clairement informées et doivent pouvoir identifier facilement, et sans confusion possible, chacun des professionnels du groupe et ses compétences propres ;
  • chaque praticien du groupe doit exercer son activité de manière indépendante, en restant strictement dans son champ de compétence ;
  • la sage-femme doit s’assurer de la confidentialité des informations liées à son activité et l’anonymat de sa patientèle, avec en particulier une bonne insonorisation de la salle de soins ;
  • il est conseillé d’aménager la salle d’attente avec des espaces réservés, pour préserver l’indépendance de chaque praticien, un marquage mural ou au sol peut par exemple être prévu pour orienter les patients vers ces zones réservées ; 
  • le partage de la salle d’attente ne doit pas aboutir à ce que la communication et les « publicités » faites par un non-professionnel de santé aient des retombées sur l’activité de la sage-femme libérale (et sur les autres professionnels de santé) ; 
  • la sage-femme doit être particulièrement vigilante quant aux personnes ayant des pratiques pouvant donner lieu
    à des dérives thérapeutiques ou du charlatanisme. 

Professions de santé ou du soin ?

• Le Code de la santé publique définit les professions de santé, qui regroupent les professions médicales et paramédicales. Les diététiciens-nutritionnistes, qui doivent obtenir un diplôme d’État, y ont été ajoutés en 2007. 

• De nombreuses professions du champ de la santé ont été reconnues et encadrées au fil du temps, même si leurs activités ne sont pas prises en charge par la Sécurité sociale. Les psychologues ont été reconnus dès 1985, les psychothérapeutes dès 2004. L’ostéopathie a été reconnue en 2002 dans la loi sur les droits des patients et le titre peut être partagé par des professionnels de santé ou des non-professionnels, les actes autorisés ont été définis par décret en 2007 et la formation encadrée par décret en 2014, sans qu’il ne s’agisse d’un diplôme d’État. La chiropraxie a été reconnue également en 2002, puis encadrée par décret en 2011. 

• De nombreuses activités se réclamant du soin ne sont pas encadrées ; leur formation et l’usage du titre ne sont donc soumis à un aucun contrôle étatique. C’est le cas des sophrologues, radiesthésistes, magnétiseurs, hypnothérapeutes exclusifs, acupuncteurs exclusifs, naturopathes ou fasciathérapeutes par exemple.

NOTA BENE : L’acupuncture est une pratique médicale réservée aux docteurs en médecine, sages-femmes et chirurgiens-dentistes. L’homéopathie est réservée aux médecins, sages-femmes, dentistes et vétérinaires titulaires d’un diplôme délivré par une université ou un institut agréé par l’État. 

■ Nour Richard-Guerroudj