Le temps est révolu où les sages-femmes hospitalières ne connaissaient rien de l’activité libérale. Traditionnellement, les sages-femmes installées en ville assuraient des activités complémentaires de l’hôpital, mais les modes d’exercice se tournaient le dos. Avec davantage de liens entre la ville et l’hôpital, bien que le virage ambulatoire souhaité par les autorités de tutelle n’ait pas été totalement mis en œuvre, les professionnelles semblent mieux reconnaître leurs compétences respectives ou partagées. Cette porosité, associée aux effectifs grandissants des libérales, rend ces dernières plus dépendantes de l’hôpital et de son organisation. COLLABORATIONS PLUS NOMBREUSES Selon Alain Vilbrod et Florence Douguet, du Laboratoire d’études et de recherche en sociologie (Labers) en Bretagne, un quart des sages-femmes libérales ont une activité mixte et exercent au sein d’un établissement de santé. Les taux sont plus importants chez les plus jeunes. Ainsi, 22,6 % des professionnelles installées entre 2005 et 2009 ont une activité mixte, contre 17,4 % des installées entre 2000 et 2004 et 10,2 % des installées entre 1995 et 1999. « Pour les plus jeunes, cette activité mixte est contrainte. D’une part, conserver ou gagner une activité en maternité est perçu comme utile en vue d’intégrer une activité salariée par la suite, estime Alain Vilbrod. Mais il s’agit aussi de conserver un revenu supplémentaire lorsque la concurrence est forte en libéral. » A ces chiffres, il faut ajouter les 7,9 % de sages-femmes qui ont accès au plateau technique d’une maternité, un taux en augmentation récente. « Seuls 5,8 % des sages-femmes réalisent réellement des accouchements en plateau technique régulièrement, nuance Alain Vilbrod. Le fait d’avoir cet accès est fortement corrélé à l’ancienneté du diplôme et de l’installation en libéral. Les plus âgées et les plus jeunes sont moins concernées. » Et selon les sociologues du Labers, les liens entre l’hôpital et les…
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Alcoolisation fœtale : prochaine grande cause nationale ?
Tweet Bien plus répandue qu’on ne le pense souvent, l’alcoolisation fœtale est dramatique pour les bébés à naître, ainsi que pour les enfants, adolescents et adultes qu’ils deviendront. Le syndrome d’alcoolisation fœtale (SAF) est la forme la plus grave : dysmorphie craniofaciale, hypotrophie globale avec retard de croissance, retard mental avec déficit intellectuel. Mais il existe de nombreux autres syndromes, moins complets, que les spécialistes ont réuni dans les Troubles causés par l’alcoolisation fœtale. Les progrès réalisés en neurobiologie, en épidémiologie et en détection laissent désormais entrevoir l’ampleur du drame. Dans un rapport adopté le 22 mars dernier, l’Académie nationale de médecine sonne l’alarme. TOXIQUE À LONG TERME L’inadaptation du nouveau-né qui peut aussi souffrir de difficultés d’allaitement et de troubles du sommeil peut parfois être confondue avec des signes de sevrage. Quand l’enfant entre à l’école, des anomalies de comportement et des troubles cognitifs retentissent sur ses apprentissages. A l’adolescence, on peut y ajouter une intolérance aux frustrations, une difficulté d’intégration. Chez les adultes, viennent aussi des troubles du comportement et du jugement, des désordres émotionnels, une dépendance à l’alcool ou à d’autres drogues. PLUS DE 8000 BÉBÉS PAR AN En France, le SAF concerne au moins 1 % des naissances, soit 8000 nouveau-nés chaque année. Le nombre de bébés qui souffrent de troubles de l’alcoolisation fœtale n’est pas connu. Et 23 % des femmes enceintes continuent de boire de l’alcool. D’ailleurs, pour 37 % des parturientes, le danger n’existe que si la consommation est quotidienne. Or, l’alcool ingéré par la mère passe directement dans le placenta. Les taux d’alcoolémie sont donc identiques chez la mère et le fœtus. C’est d’autant plus grave que ce dernier ne dispose pas de la maturité hépatique suffisante pour se détoxiquer. Le poison diffuse donc dans tous ses tissus. Ses effets délétères sont...

Violences obstetricales : avis aux chercheurs !
Tweet Les violences faites aux femmes sont largement documentées. Il reste davantage d’inconnues en matière de violences obstétricales, alors que ces dernières années la question de la maltraitance en gynécologie-obstétrique a surgi dans le débat (voir aussi Profession Sage- Femme n° 223, page 42). C’est pourquoi l’Association française pour l’accouchement respecté (Afar), membre du Collectif interrassociatif autour de la naissance (Ciane) a fait un état des lieux des travaux de recherche dans ce domaine, plus nombreux à l’étranger qu’en France. Soixante publications scientifiques et juridiques ont été répertoriées, assor ties d’une traduction du résumé et d’un commentaire de l’Afar. Un classement thématique permet d’identifier les publications qui traitent de la maltraitance dans une perspective de genre, celles qui se réfèrent davantage aux sciences humaines, les articles plus militants mais aussi les publications médicales de portée internationale. Des rapports d’organisations gouvernementales ou non gouvernementales spécifiques ont aussi été inclus, de même que des travaux juridiques. Enfin, des études concernant le stress post-traumatique après l’accouchement ont été recensées. Une liste de références non retenues dans cette compilation est aussi à disposition : il s’agit surtout de publications sur le phénomène de la maltraitance dans des pays en développement, l’Afar ayant mis l’accent sur des études susceptibles d’intéresser un contexte occidental. L’association espère que cette contribution permettra « la reconnaissance du phénomène dans les pays occidentaux et en particulier en France » et qu’elle pourra « servir de base à des travaux visant à le qualifier, le quantifier de façon à le combattre. » Nour Richard-Guerroudj



Exercer à plusieurs
TweetC’est un peu comme un couple. Il faut réussir à communiquer », commente Marie Leroy. Depuis deux ans, elle a ouvert un cabinet avec sa consœur et amie Marie-Audrey Cuegniet, à Bourg-Achard, un village de l’Eure, en Normandie. Lasses de leurs sept années passées en maternité hospitalière, les sages-femmes ont eu envie d’explorer une autre pratique. « Nous n’étions satisfaites ni l’une ni l’autre de la prise en charge proposée à l’hôpital, poursuit Marie Leroy. Nous y trouvions l’activité trop sectorisée, ne voyant les patientes qu’à l’accouchement. Nous avons donc fait le choix d’une installation en libéral pour pouvoir suivre des patientes tout au long de leur grossesse. » Une sorte d’accompagnement semi- global, chéri par nombre de libérales. Aujourd’hui, chacune des deux membres de ce duo conserve un mi-temps à la maternité. Et dans leur cabinet partagé, elles chouchoutent leurs patientes à tour de rôle, en totale indépendance. Le cabinet groupé rassure nombre de sages-femmes. Car, revers de la médaille, l’indépendance ne va pas sans une certaine solitude professionnelle. Alors que 67 % des sages- femmes libérales exercent en solo, 22 % ont fait le choix de s’associer. Cela leur permet de conserver un ersatz de travail d’équipe et de mutualiser les moyens, les coûts de l’installation étant divisés par le nombre d’associés. Les risques de l’installation aussi. ESPRIT DE GROUPE Diplômés en 2012, Nathan Bitoun et Anh-Chi Ton se sont installés ensemble un an plus tard dans le VIe arrondissement de Paris, à proximité de l’une des plus grosses maternités de la capitale. « Comme beaucoup de jeunes sages- femmes aujourd’hui, nous avions des contrats hospitaliers non renouvelables. Pour ma part, j’ai enchaîné une alternance de CDD et de chômage. » S’il avait obtenu un poste stable dans une maternité, Nathan Bitoun n’aurait peut-être pas franchi le pas....