Spécificités concernant la femme enceinte ou allaitante – Bon usage des médicaments opioïdes : antalgie, prévention et prise en charge du trouble de l’usage et des surdoses

HAUTE AUTORITÉ DE SANTÉ – COLLÈGE NATIONAL DES GYNÉCOLOGUES-OBSTÉTRICIENS DE FRANCE – RECOMMANDATION DE BONNES PRATIQUES - FICHE MÉMO Validée par le Collège le 10 mars 2022

Traitement de la douleur aiguë

Il est nécessaire de tenir compte des mises à jour régulières du Centre de référence sur les agents tératogènes (Crat) et des informations disponibles auprès des centres régionaux de pharmacovigilance (CRPV).

Dans l’hypothèse où une patiente avec une douleur chronique envisage une grossesse, une démarche spécifique préalable auprès du médecin et des spécialistes est essentielle et la prise en charge reste équivalente à celle de la douleur aiguë chez une femme enceinte.

Chez les patientes sans consommation d’opioïdes en cours 

Femme enceinte 

Les données sur les opioïdes, en utilisation aiguë ou prolongée, concernent principalement le troisième trimestre de grossesse (relatives aux douleurs liées à l’accouchement), peu d’informations étant disponibles sur leur tératogénicité. Les opioïdes doivent être utilisés avec précaution si la grossesse est proche du terme, même en dose unique, en raison de l’impact de la dépression respiratoire maternelle et/ou du risque de syndrome de sevrage maternel sur le fœtus. Il est préférable d’utiliser la morphine, quel que soit le terme de la grossesse.

Femme allaitante 

Un traitement par tramadol est envisageable à condition qu’il soit bref (de l’ordre de 2 à 3 jours) et à la posologie la plus faible possible.

Un traitement par codéine est envisageable à condition qu’il soit bref (de l’ordre de 2 à 3 jours) et à la posologie la plus faible possible, hormis les 2 premières semaines postaccouchement (effets indésirables plus fréquents chez le nouveau-né allaité).

Un traitement par certains antalgiques opioïdes imposera de suspendre l’allaitement, hormis pendant les trois jours postaccouchement où l’utilisation de nalbuphine et de morphine est possible.

Chez les patientes avec consommation d’opioïdes en cours

La prise en charge de la douleur sera identique pour une femme enceinte consommatrice d’opioïdes – hormis pour les AINS qui sont formellement contre-indiqués pendant la grossesse à partir de 24 semaines d’aménorrhée.

Prévention du trouble de l’usage d’opioïdes chez la femme enceinte

En premier lieu, lors de l’évaluation clinique dans le cadre du diagnostic du trouble de l’usage des opioïdes, il est recommandé d’interroger les femmes en âge de procréer sur leur méthode de contraception et de leur proposer un test de grossesse.

L’ensemble des mesures de prévention du trouble de l’usage d’opioïdes s’appliquent aux femmes enceintes.

Dans cette population spécifique, certaines mesures complémentaires peuvent être associées, notamment par la détection précoce de la grossesse et la mise en relation de la patiente et des acteurs de santé déjà impliqués avec un spécialiste (obstétricien, sage-femme, pédiatre, médecin de la douleur, addictologue, etc.) selon la situation clinique.

Prise en charge du trouble de l’usage d’opioïdes et prévention des surdoses chez la femme enceinte

Dans un contexte de TUO, en raison de taux élevés de rechute de consommation d’héroïne, il est recommandé de maintenir ou d’instaurer un traitement de substitution aux opioïdes, afin de prévenir le risque de surdose et de limiter le risque de complications prénatales associé aux cycles intoxication/sevrage et de syndrome de sevrage néonatal.

Le choix du MSO doit être fait en concertation avec la patiente, la méthadone et la buprénorphine étant d’efficacité comparable pendant la grossesse.

Les posologies et le rythme d’administration du MSO devront être régulièrement réévalués et adaptés aux variations pharmacocinétiques et physiologiques au cours de la grossesse (notamment troisième trimestre).

En cas d’instauration d’un traitement par méthadone, il est recommandé d’augmenter la dose par paliers de 5 à 10 mg par semaine. Le but est de maintenir la dose la plus faible qui contrôle les symptômes de sevrage et minimise le désir de consommer des opioïdes supplémentaires. Le traitement en deux prises est plus efficace et a moins d’effets indésirables qu’une prise quotidienne. Au fur et à mesure de la grossesse, la diminution progressive des concentrations plasmatiques de méthadone et l’augmentation de la clairance peuvent nécessiter une augmentation de posologie ou un fractionnement en biprise des doses. Il peut être nécessaire de réajuster les doses en post-partum.

Prise en charge du trouble de l’usage d’opioïdes chez la femme allaitante

Les femmes sous substitution par méthadone ou buprénorphine qui choisissent d’allaiter doivent être soutenues en l’absence de contre-indication (ex. : VIH non traité, traitement concomitant excrété dans le lait et non souhaitable pour l’enfant, etc.).

Les mères sous substitution aux opioïdes, mais qui consomment occasionnellement de l’héroïne, doivent être informées des risques pour l’enfant (dépression respiratoire). Dans ce cas, il est recommandé de :

 • leur conseiller de tirer et jeter le lait maternel pendant 24 heures après une consommation ponctuelle d’héroïne, avant de recommencer à allaiter ;

 • les encourager, par sécurité, à mettre leur nourrisson sous surveillance auprès d’un tiers du fait de la sédation induite par une consommation d’héroïne.

Les mères qui continuent à consommer régulièrement des opioïdes, comme l’héroïne ou d’autres drogues, doivent être encouragées à ne pas allaiter au regard des risques encourus par leur enfant. Une attention particulière devrait leur être accordée pour les aider à stabiliser leur mode de vie.

Prise en charge des surdoses

Il est recommandé d’administrer une première dose de naloxone en utilisant un kit de naloxone « prête à l’emploi » (1), y compris chez une femme enceinte en vue de sauver la vie de la mère. L’objectif de ce kit est d’éviter le décès dans l’attente de la prise en charge par les services de secours, la dose de naloxone contenue dans un kit n’étant pas suffisante pour traiter intégralement une surdose


(1) Les kits de naloxone « prête à l’emploi » commercialisés sont un kit à voie d’administration intranasale (soumis à prescription médicale obligatoire) et un kit à voie d’administration intramusculaire (non soumis à prescription médicale obligatoire). Deux autres kits à voie d’administration intranasale (non soumis à prescription médicale obligatoire) ont obtenu une AMM, mais ne sont pas encore commercialisés.

Ces kits sont remboursés sur prescription médicale à hauteur de 65 % et leur dispensation à titre gratuit est possible en sortie d’une hospitalisation en service d’addictologie, en CSAPA, par l’unité sanitaire lors de la sortie d’une incarcération ou encore en CAARUD.

Ce document présente les points essentiels de la publication : Spécificités concernant la femme enceinte ou allaitante, Méthode, mars 2022 – Toutes nos publications sont téléchargeables sur www.has-sante.fr

Nous remercions la Haute Autorité de santé de nous avoir autorisés à reproduire cette synthèse et ces fiches mémo. Elles sont également consultables sur le site www.has-sante.fr rubrique Toutes nos publications.