Ingrid* consulte, car elle présente depuis quelques jours une douleur localisée au cadran supéro-externe du sein gauche. Cette douleur est exacerbée durant la tétée. Elle présente une légère fébricule (température de 38 °C), mais aucune altération de son état général ni de syndrome grippal. Il est à noter que son bébé, Simon*, âgé de 3 mois, présente des troubles de la succion depuis deux semaines environ et ne prend plus de poids. L’examen clinique de l’enfant révèle une nette plagiocéphalie qui pourrait être à l’origine des troubles de la succion. L’examen clinique de la mère et l’anamnèse semblent en lien avec une mastite inflammatoire. Il n’y a pas à ce stade d’élément évocateur d’un risque infectieux et cette mastite semble liée à un défaut de vidange, probablement lié aux troubles de la succion. Les conseils adéquats sont alors prodigués : repos, tétées fréquentes et, au vu des troubles de la succion, je préconise l’utilisation d’un tire-lait systématiquement après chaque tétée et au moins toutes les deux heures. Le lait recueilli sera donné en complément à Simon. En parallèle, nous entamons la prise en charge pluridisciplinaire de la plagiocéphalie et des troubles de la succion. Ingrid prendra également du paracétamol et un anti-inflammatoire en l’absence de risque infectieux identifié et en l’absence de contre-indication (médicaments en vente libre). Je demande à Ingrid de me tenir informée de l’évolution dans les 24 heures qui suivent et la revois dans un premier temps au bout de 48 heures pour réévaluer la situation. Au bout de 24 heures, il y a une nette amélioration des symptômes, ce qui confirme l’idée qu’il s’agit bien d’une mastite infectieuse. Au bout de 48 heures, les symptômes ont régressé, même s’il demeure une légère douleur pendant les tétées ou les tirages. Nous nous concentrons alors principalement sur la prise en charge de la plagiocéphalie…
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Hyperémèse : consensus pour de nouvelles pratiques
Tweet« C ’est le texte dont je suis le plus fière, bien que le sujet ne soit pas considéré comme “noble”, car la problématique concerne de très nombreuses femmes. » Ainsi s’est exprimée Marie-Victoire Sénat lors de la présentation du consensus formalisé d’experts sur la Prise en charge des nausées et vomissements gravidiques et de l’hyperémèse gravidique. L’avis du groupe d’experts, que la professeure de gynécologie-obstétrique de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre a contribué à cordonner, a été détaillé lors des journées Paris Santé Femmes, en mai, à Paris. Les préconisations se concentrent surtout sur l’hyperémèse gravidique, soit le degré le plus sévère des nausées et vomissements. LA RECONNAISSANCE, ENFIN ! Ce consensus était très attendu par les représentantes d’usagers. Dès 2016, France Artzner, vice-présidente du Ciane et fondatrice de l’association 9 mois avec ma bassine, avait interpellé le Collège national des gynécologues et obstétriciens français. Elle demandait des recommandations pour la prise en charge de l’hyperémèse gravidique. « Nous espérions un tel texte, car l’hyperémèse n’était ni reconnue comme une pathologie ni définie jusqu’ici », témoigne aussi Audrey Tranchant, fondatrice de l’Association de lutte contre l’hyperémèse gravidique. Les deux représentantes ont d’ailleurs été associées au groupe de travail à l’origine du consensus. « Bien qu’il ne s’agisse pas de recommandations de bonnes pratiques, les nouvelles préconisations vont permettre d’améliorer les prises en charge », estime France Artzner. Le CNGOF a en effet choisi de publier un consensus formalisé d’experts. La littérature manquait sur le sujet et les études retrouvées étaient de faible qualité scientifique pour prétendre à la publication de recommandations de bonnes pratiques, comme il est d’usage. « Le consensus formalisé d’experts permet de dire quelles sont les meilleures pratiques à proposer aux patientes, explique Loïc Sentilhes, chef du service de gynécologie-obstétrique au CHU de Bordeaux et coordinateur du groupe de travail. Le manque d’études sur les nausées, les vomissements...

« Comme l’endométriose, l’hyperémèse gravidique a été associée à tort à une souffrance imaginaire »
TweetEn quoi ce texte est-il capital ? Ce texte acte la reconnaissance de l’hyperémèse gravidique par la communauté scientifique. Cela permettra aussi à l’entourage des femmes de mieux les comprendre. Je compare souvent l’hyperémèse à l’endométriose. Dans les deux cas, la pathologie a longtemps été associée à tort à une souffrance imaginaire. Face à une pathologie mal étudiée, dont on connaît peu les causes et alors que les traitements demeurent imparfaits, la facilité est de recourir à l’explication psychologique. Or nous n’avons pas retrouvé dans les études sérieuses une étiologie psychosomatique de l’hyperémèse gravidique. Quels sont les protocoles à bannir désormais ? De trop nombreux hôpitaux ont encore des protocoles d’isolement dans le noir, de confiscation du téléphone et d’interdiction de visites, qui n’ont pas lieu d’être. Ces pratiques sont issues de l’approche thérapeutique développée dans les cas de troubles alimentaires de type anorexie. Certains médecins affirment aux femmes qu’elles rejettent leur grossesse, ce qui est une interprétation totalement sauvage, d’autant plus que l’ambivalence est propre à chacun d’entre nous. Lorsque nous rencontrons les femmes, elles témoignent d’un parcours compliqué. Elles ont le sentiment de passer pour des folles puisqu’on leur dit que « c’est dans leur tête ». Et leur entourage le leur renvoie également. Or notre revue de la littérature démontre que le stress, l’angoisse, les troubles anxio-dépressifs et le syndrome de stress post-traumatique en post-partum ou exprimé à la grossesse suivante sont la conséquence plutôt que la cause de l’hyperémèse gravidique. Les femmes souffrent du manque de soutien des professionnels de santé, de la banalisation de leurs symptômes et de l’incompréhension de leurs proches. C’est parce qu’elle altère la qualité de vie personnelle et professionnelle que la maladie peut avoir des conséquences psychologiques. Par ailleurs, l’hyperémèse gravidique ne retentit pas sur le lien mère-enfant. Pendant la grossesse, les femmes sont accaparées par...



La réalité des corps comme support éducatif
Tweet« Les supports pédagogiques en santé sexuelle et reproductive sont souvent trop simplifiés et stéréotypés et les livres de dissection ne sont pas beaux et comportent trop d’informations. » Lou Poll, jeune sage-femme de 33 ans, diplômé en 2013, fait ce constat dès ses études. Il mûrit l’idée de rénover les outils pédagogiques au fil de son expérience en libéral à Toulouse. Il réalise combien les femmes méconnaissent leur corps et combien les outils à disposition ne permettent pas au plus grand nombre de s’identifier. L’accompagnement global et les suivis gynécologiques qu’il propose, de même que les ateliers d’éducation affective et sexuelle qu’il anime, notamment auprès de personnes ayant un handicap mental, lui permettent de construire sa philosophie. ESTHÉTIQUE ET RÉALISTE « Des femmes de tout milieu et tout âge ne font pas la différence entre l’utérus et le vagin ou se les représentent mal, explique Lou Poll. Bien des schémas montrent l’utérus comme un triangle vide dans lequel on imagine qu’un DIU peut se balader. Et combien de femmes savent pourquoi au début des règles les pertes sont plus foncées ? Pourtant, l’information médicale existe et nous sommes souvent sûrs d’avoir transmis des informations, mais il est difficile de se les approprier et de s’y retrouver. Par ailleurs, ayant suivi une formation sur la violence et le consentement, je me suis demandé comment les femmes peuvent consentir réellement à un examen si elles ne comprennent pas leur corps. Il n’existait pas non plus d’outils pour les personnes malvoyante ou malentendantes. » En 2017, sa rencontre avec Saturne, une des rares illustratrices formées en illustration médicale, fait office de déclic. Pendant trois ans, la sage-femme et l’illustratrice peaufinent leur projet. L’entreprise Korpo Real voit le jour officiellement en août 2020. Son nom est en esperanto, langue internationale symbole de paix et de bienveillance. Les premiers […]